HARMOREXIE

Troubles du comportement alimentaire et Génétique


 

 

Les gênes coupables

 

 


Contrairement à ce que l'on peut penser, la volonté a peu à voir avec les troubles de l'alimentation. 

 

Les plus récentes découvertes scientifiques lui donne raison. - les gènes jouaient un rôle tout aussi important que les pressions sociales dans le déclenchement des troubles de l'alimentation. 

 

Les indices sont particulièrement convaincants pour l'anorexie. De plus en plus d'études montrent que la maladie existe depuis la nuit des temps, même dans les pays du tiers-monde. L'anorexie fait des ravages chez les jeunes filles juives orthodoxes, qui ne lisent pourtant aucun magazine de mode et ne vont pas au cinéma.

 


 Chez les boulimiques, le tableau est différent. Rien n'indique que la maladie ait fait des victimes avant l'avènement de notre société obsédée par la minceur. D'ailleurs , la boulimie n'existe que dans les pays industrialisés.

 

 

 

 

 

 On parle de contexte génétique : faut-il y croire ?

 

 

 

 

 

 

Il faut y croire : c’est prouvé à 90 % : on trouve 3 fois plus de TCA dans les familles où :

 

 

 

  • Il y a un ou des TCA dans la famille (proche ou lointaine),

 

 

  • Il y a de l’anxiété « marquée » dans la famille : anxiété généralisée, trouble obsessionnel et compulsif, phobie (phobie sociale ou scolaire),

 

 

  • Il y a de la dépression,

 

 

  • Il y a des conduites addictives (alcool surtout, toxicomanie…).

 

 

 

 

 

 

 

C’est génétique veut dire que c’est un « trait génétique prédisposant » : si on a ce trait, on a quand même peu de risque de développer un TCA : 3 fois plus qu’un autre, c’est à dire dans 20-25 % des cas.

 



Ce qui est transmis, c’est une fragilité pour un TCA en général, pas un TCA particulier (ce n’est pas l’anorexie mentale ou la boulimie qui se transmettent, mais un TCA, quel qu’il soit).

 

 

 

 

Il est maintenant clairement établi que des facteurs génétiques interviennent dans la genèse de l’anorexie mentale. Chaque thérapeute connaît des cas de sœurs (ou de frère) atteint(e)s tous les deux de trouble du comportement alimentaire (TCA). On a rapporté, à plusieurs reprises, des cas de fille atteinte lorsque la mère l’était. Enfin, des cas de jumeaux homozygotes tous deux atteints de TCA ont été signalés.

 

Mais, dans tous les cas ci-dessus, il est impossible de faire la part de ce qui revient à l’environnement et de ce qui appartient à la génétique.

 

 

On peut avancer en regardant les cas familiaux « éloignés ». Dans l’expérience de l’association Autrement, environ 7 % des malades anorexiques ont dans leur famille un membre atteint, membre qui n’a jamais été en contact avec lui (tantes éloignées par exemple). C’est donc trois fois plus que dans la population (où la fréquence de l’anorexie est estimée à 1,5 à 2 % maximum). Et dans ces cas, une « contamination » du malade peut être exclue. Une très récente étude a exploré la prévalence et l’héritabilité de l’anorexie mentale (AM) en Suède. Tous les jumeaux nés entre 1935 et 1958 ont été explorés (cohorte dite du « registre des jumeaux suédois »). La fréquence a été estimée à 1,2% des femmes et 0,3 % des hommes. La fréquence de l’AM a augmenté depuis 1955 (vs < 1945). L’héritabilité a été évaluée à 56 %, les facteurs environnementaux à 6 % et les facteurs personnels à 38 %.

 

 

 

 

D’un point de vue scientifique, on peut aborder le problème  de plusieurs manières:

 

 

1- Les études « cas » - « témoins » ;

 

 

2- La fréquence des cas d’anorexie mentale dans les familles où il existe un cas ;

 

 

3- L’hétérogénéité phénotypique ;

 

 

4- L’analyse de mutations génétiques et de leurs effets.

 

 

 

 

 

Méthodes d'analyse génétique
 

 

 

 

 

Différentes études scientifiques ont clairement impliqué le chromosome 1.

 

D’autres chromosomes pourraient cependant être également en cause : les chromosomes 3 et 4 ; peut-être le chromosome 10 pour les formes boulimiques.

 

Ces études sont intéressantes, dans la mesure où ces chromosomes portent beaucoup d’informations concernant la régulation de la prise alimentaire et du bilan énergétique (opioïdes, leptine, ghréline), qu’ils portent les gènes des systèmes sérotonine et dopamine, mais aussi des peptides régulateurs des fonctions « psychiques » tel que le facteur neurotropique cérébral.

 

Un lien semble bien établi entre anorexie mentale et les polymorphismes génétiques suivants :

 

Le gène de la sérotonine dite « HTR1D » et celui du récepteur delta 1 aux opioïdes (OPRD1) : Brown et al ont trouvé une association avec ces 2 gènes chez 226 AN, par rapport à 678 contrôles. 
 

 

Le gène du récepteur de la sérotonine 5-HT2A et celui du transporteur de la sérotonine (5-HTTLPR) : Rybakowski et al ont trouvé cette association chez 132 AN, par rapport à 93 contrôles. Ricca et al ont trouvé l’association avec le gène du récepteur 5-HT2A chez 148 TCA, par rapport à 89 contrôles (polymorphisme sur le –1438G/A (AA génotype). De même, Matsushita et al  ont noté l’association entre le polymorphisme du 5-HTTLPR chez 195 AN, par rapport à 290 contrôles. Concernant toujours la sérotonine, Gorwood et al ont trouvé un lien entre le gène du récepteur de la sérotonine 5-HTT encodé par le gène SLC6A4 (allèles S et L) et l’AN chez 43 AN, 102 trios (malade, père, mère), par rapport à 98 contrôles, puis chez 304 AN et 225 trios. 
Le récepteur de la dopamine (DRD2) : Bergen et al ont trouvé une mutation chez 191 AN et 457 parents, par rapport à 98 contrôles. 
 

 

Le récepteur du facteur neurotrophique cérébral (brain-derived neurotropic factor, BDNF), récepteur NTRK2 : Ribases et al ont noté l’association chez 124 AN et boulimiques vs 121 contrôles, vis à vis de certains haplotypes (variant Met66). Or le BDNF induit une restriction alimentaire chez le rat et une perte de poids. Les auteurs ont confirmé ces résultats chez 453 trios : transmission préférentielle du variant Met66 et de l’haplotype 270C/Met66. 
 

 

D’autres liaisons ont été trouvées, mais les résultats de ces travaux divergent encore : ainsi un lien a-t-il été décrit avec le Neuropeptide AgRP (Agouti Related Protein), la ghréline (Cellini et al., in press), le COMT (Catechol-O methyl transférase), le Récepteur delta opioïde (OPRD1) (gène situé sur chromosome 1p33-36), le Transporteur de la NA. On trouvera une revue générale de ces travaux dans la revue de Klump (3).
Le polymorphisme du gène du récepteur des cannabinoïdes CNR1 a été également incriminé. Dans le même ordre d’idée, le gène de l’enzyme catéchol-O-méthyltransférase clé du métabolisme de la dopamine a été mis en cause. 


 

 

 

 

 

Conclusion

 

 


Le rôle de facteurs génétiques dans la genèse de l’anorexie mentale est établi sans discussion par les études de familles ainsi que par celles de jumeaux homo- et hétérozygotes.

 

Dans les études familiales, l’héritabilité a été estimée à 0,71. Dans les études de jumeaux, elle a été calculée à 0,55-0,76. Ceci revient à dire que la fréquence  « génétique vraie » d’anorexie mentale dans la famille d’un malade atteint d’anorexie mentale est au moins le double, sinon le triple de ce qu’elle est dans la population générale : 4 à 7 % de cas, contre 1 à 1,5 % dans la population générale. Fait à noter, ce ne semble pas être l’anorexie mentale ou la boulimie qui est transmissible, mais bien le TCA. Lorsque ceci a été rapporté, on trouve jusqu’à 10-15 % de TCA dans la famille, contre au maximum 5 à 7 % dans la population générale.

 

Le plus difficile est d’identifier le gène responsable. Les études, nombreuses, ne mettent pas en évidence le même gène. Donc, nous pouvons affirmer que l’anorexie mentale et les TCA plus généralement, sont des affections polygéniques et non le fait d’un seul gène. Une des raisons à ceci est sans nul doute que l’anorexie mentale est un syndrome bien défini, mais dont les mécanismes déterminants sont multiples : tendance à l’addiction, à la dépression, aux idées obsessionnelles, à l’angoisse. En d’autres termes, ce n’est peut-être pas l’anorexie mentale ou le TCA qui sont « trouvés » dans ces études génétiques, mais un facteur de susceptibilité aux TCA.

 

Parmi les gènes responsables, ceux qui ont été le plus souvent étudiés sont les gènes codant pour le système « sérotonine » et « dopamine », que ce soit leurs récepteurs, leurs transporteurs ou les gènes qui en assurent l’efficacité.

 

Pour mieux comprendre ces aspects génétiques, il faudra sans nul doute travailler plus en profondeur sur les phénotypes des TCA (anorexie mentale restrictive ou boulimique, anorexie avec ou sans hyperactivité physique…), en distinguant aussi les malades souffrant de troubles associés, tels que troubles obsessionnels compulsifs ou non, état dépressif ou non, état anxieux pré-existant ou non.