HARMOREXIE

Loi contre les blogs Pro-ana et l'incitation à trop maigrir

 

 

 
 
 

 

 

"Le fait de provoquer une personne à rechercher une maigreur excessive en encourageant des restrictions alimentaires prolongées ayant pour effet de l'exposer à un danger de mort ou de compromettre directement sa santé est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende." Tel est le texte de la proposition de loi qui vient d'être adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale. Cette peine est alourdie à 3 ans de prison et 45 000 € d'amende si cette incitation a entraîné la mort de la victime.
 


De même, "la propagande ou la publicité, quel qu'en soit le mode, en faveur de produits, d'objets ou de méthode préconisés comme moyen de parvenir à une maigreur excessive ayant pour effet de compromettre directement la santé" sera puni de deux ans de prison et 30 000 euros d'amende. Ce dernier paragraphe vise à punir les auteurs de tous les sites "pro-ana" (comprendre pro-anorexie) qui fleurissent sur internet. Le principe : des jeunes filles anorexiques tiennent un blog où elles refilent des astuces pour bien maigrir ou se faire vomir plus facilement.


La ministre de la Santé Roselyne Bachelot s'est félicitée de cette proposition de loi, estimant que "les messages qui sont diffusés sont des messages de mort. Notre pays doit avoir les moyens de poursuivre et de condamner ceux qui se cachent derrière de tels sites. Donner des conseils aux jeunes filles pour mentir à leurs médecins, leur indiquer les aliments les plus faciles à régurgiter, les inciter à se mortifier après toute absorption de nourriture ne relèvent pas de la liberté d'expression."
 


Et aussi une charte de bonne conduite


Le groupe UMP a fortement soutenu ce texte proposé par Valérie Boyer, députée des Bouches-du-Rhône. En revanche, une seule députée socialiste, Michèle Delaynay, a voté en faveur de ce texte. Les autres députés PS, PCF et Verts reprochent à ce texte d'être "de l'affichage" et dont la seule approche est celle de la répression.

 

 

La proposition de loi de Valérie Boyer intervient quelques jours à peine après la signature d'une charte par divers professionnels de la mode, "s'engageant pour l'image du corps et contre l'anorexie". Le but : éviter de faire défiler des mannequins trop maigres. Cette charte, signée par de grandes maisons de coutures et autres syndicats de mannequins, ne comporte toutefois aucune mesure contraignante. Il est le fruit de la réflexion d'un groupe de travail, mis en place en janvier 2007 suite à la polémique qui avait éclaté sur la maigreur anorexique de certains mannequins. Certaines jeunes filles avaient été interdites de défilé en Espagne, pour cause de poids insuffisant.

 

 

 

 

Le Dr Alain Fuseau est psychiatre à la Maison des adolescents du Havre. Pour lui, la loi présente des avantages, même si elle ne s'attaque pas au problème de la prise en charge des anorexiques.

 

 

Quel est votre sentiment par rapport à la proposition de loi qui vient d'ête adoptée par l'Assemblée et qui vise à réprimander l'incitation à l'anorexie?

 

 

Mon sentiment est mitigé. D'un côté, je trouve que c'est un peu de l'affichage. On traite seulement le côté médiatique de la maladie et non la prise en charge des personnes malades. Alors que c'est tout de même le plus important.
Mais d'un autre côté, j'éprouve également une certaine satisfaction car l'influence des médias n'est effectivement pas négligeable, ils peuvent jouer un rôle dans l'apparition de la maladie.
En outre, cette loi peut aleter les parents et les proches sur la gravité de ce phénomène. Donc c'est positif.

 

 

 

 

Justement, quelle est d'après vous l'influence réelle des médias sur les jeunes filles ? Peuvent-ils à eux seuls déclencher des anorexies?

 

 

C'est plus compliqué que ça. Il faut distinguer l'anorexie mentale de la conduite anorexique. Cette dernière peut effectivement être induite par la mode. D'ailleurs, on constate que les adolescentes qui développent une conduite anorexique sont un peu plus âgées, il y a aussi plus de garçons que pour l'anorexie mentale.
Mais pour moi, ce ne sont pas tant les mannequins et le monde de la mode qui sont responsables que les sites Pro-Ana qui fleurissent depuis cinq ou six ans. Ils ont clairement un effet d'entraînement sur une communauté de jeunes filles. Il peut y avoir au début une "véritable" anorexique, qui va inciter plusieurs ados à vouloir se faire maigrir. Ces sites sont réellement dangereux, ils favorisent la contagiosité du phénomène.

 

 

 

Quels signes doivent alerter des parents qui craignent que leur enfant ne tombe dans l'anorexie ?

 


Ce sont avant tout des signes physiques : l'amaigrissement est bien sûr le premier d'entre eux. Mais certaines se débrouillent pour le cacher, à travers des vêtements larges par exemple. Au fil des mois, les cheveux s'appauvrissent et peuvent même tomber, les ongles deviennent cassants, le visage est très pâle.
Et la personne anorexique peut adopter des comportements bizarres : chipoter pour manger, trier la nourriture, voire se mettre à manger seule pour faire ce qu'elle veut. Souvent, elle devient également excessivement sportive, toujours dans le but de se faire maigrir. Pas forcément du sport au sens auquel on l'entend, cela peut aussi être, tout simplement, marcher en rond dans sa chambre.

 

 

 

Quel comportement les parents ou les proches doivent-ils adopter ?
 

 

L'urgence dans l'anorexie, c'est le corps. Il faut absolument qu'il y ait une évaluation physique de l'état du patient. Le médecin généraliste est particulièrement indiqué à ce stade car la jeune fille le connait souvent bien et a sans doute plus confiance en lui qu'en un inconnu.
Ensuite, il faut à tout prix la pousser vers un suivi. Il ne faut pas hésiter à faire du forcing. Je ne dirais pas ça pour d'autres maladies mais pour l'anorexie c'est primordial, car la volonté de la jeune fille ne va pas dans ce sens et cela peut très vite avoir des conséquences irréparables. Ensuite, le suivi sera double : physique mais aussi psychique. La véritable guérison peut prendre des mois.

 

 

 

 

Effets nefastes des sites Pro-ana   : avis du professeur Rigaut 

 

 

 

 

 

 

 

- La stabilité dans l’équilibre : Il y a peu de personnes qui peuvent stabiliser leur poids en dessous d’un certain niveau de minceur, sans être obligé pour ce faire d’adopter quotidiennement ou très souvent des conduites qui mettent en péril à terme leur santé physique et mentale. On ne saute pas impunément des repas, on n’abuse pas sans risque de laxatifs. Et d’ailleurs çà ne fait pas maigrir.

 

- Maigre et heureuse ou fière de l’air !  : Il n’est pas vrai qu’il y ait tant de personnes maigres heureuses que ça. Nous dirons même que les seules personnes heureuses et sereines d’être maigres ne publieraient pas leur site « pro-ana ». Car ce serait naturel pour elles de l’être.

 

- Tu t’exposes, tu exploses : Une restriction alimentaire, un jeûne insistant exposent la personne qui les fait, parce qu’ils sont trop loin de ses besoins nutritionnels, à « exploser » dans des compulsions alimentaires qu’elle regrettera amèrement ensuite.

 

- La faute à l’amer : Les responsables des troubles du comportement alimentaire (TCA), ce ne sont pas les mamans ou les médecins qui ont poussé telle jeune fille à reprendre du poids quand elle avait trop maigri. Non, ce ne sont pas les vrais responsables des TCA. Les vrais, ce sont les régimes pour maigrir trop sévères et la maigreur. Les études scientifiques abondent depuis 20 ans, qui montrent clairement qu’une personne qui suit trop longtemps (plus de 3 semaines) un régime trop dur, trop restrictif, s’expose à un risque de TCA 4 fois plus grand que quelqu’un qui suit un régime plus modeste, pas trop pauvre en calories. 

 

- La Médecine de tous les maux : La médecine a défini des seuils de maigreur et de surpoids, non pas par hasard ou pour emmerder les gens, mais parce que, en dessous d’un certain poids pour la taille, on s’expose à des risques de santé. Ainsi, une personne maigre qui mange peu calorique a un risque de stérilité 6 fois plus important qu’un(e) autre ; un risque de pépins sérieux après une intervention chirurgicale 3 fois plus important que quelqu’un qui a un poids normal.

 

- Un p’tit régime… pour l’enfer : Les malades qui souffrent de TCA (anorexie mentale, boulimie, compulsions alimentaires sévères) sont furieuses à l’idée que ces sites existent. C’est une colère justifiée : elles disent qu’elles en souffrent tellement, qu’elles ont tant de mal à s’en sortir, qu’elles trouvent scandaleux qu’on puisse vanter ces maladies. Car 7 fois sur dix, elles ont commencé par un « simple régime » et en connaissent bien tout le piège. L’une d’elles m’a dit : « pour moi, c’est comme si un cancéreux voyait un site « pro-cancer ». L’anorexie, la boulimie, ce n’est ni notre droit ni même notre choix !

 

- Plaire à chose : Trop souvent l’anorexie ou la boulimie ont commencé par un régime, pour plaire à « truc », pour faire comme « chose ». Alors, vous pensez, s’il y a des cons qui vantent la maigreur, il se trouvera bien quelques filles en mal d’être qui vont croire à ce miroir aux alouettes.

 

- Médias, tu mens : Il n’est plus possible de croire, dans le domaine des TCA, que les médias et le « culte » autour de la minceur sont sans risque. Les preuves scientifiques sont là : les ados (des deux sexes, mais surtout les filles) qui lisent régulièrement ce type de médias « silhouette mineur – journaux de mode » sont 3 fois plus exposées aux TCA que celles qui ne les lisent pas.

 

- Pauvre fille qui n’est qu’un poids sur sa balance : Ne soit pas plus bête que ces médias qui cherchent à vendre du mirage, c’est à dire du vent. Éternelle jeunesse, minceur extrême, ventre plat, silhouette de bébé adolescent. Et la diversité de silhouette, qu’en fais-tu ? Faudrait-il que la balance devienne un objet sacralisé, un bourreau de nos corps. N’y a-t-il pas d’autres buts plus louables dans la vie ?

 

- Restriction, frustration et angoisse, le trio infernal : Bien des gens, des filles croient qu’en maigrissant, elles seront mieux dans leur tête. Mais elles se trompent. Le jeûne, la restriction alimentaire, la maigreur favorisent l’angoisse. Moins de 15 % des jeunes filles maigres sont sereines, moins de 5 % des anorexiques sont bien dans leur tête. Chez plus de 80 % des anorexiques qui avaient commencé leur régime à cause d’une anxiété inexpliquée, cette anxiété s’est aggravée pendant l’anorexie. Dans 40 % des cas, l’anorexie s’est transformée en anorexie-boulimie, avec crises alimentaires sans aucun contrôle. 

 

Nota bene : Le poids en dessous duquel il ne faut pas descendre et qu’il ne faut pas du tout défendre est connu : il est estimé par l’indice de masse corporelle (IMC), c’est à dire le poids sur le carré de la taille corporelle.

 

Ainsi 53 kg pour 1,70 m fait un IMC de 18,3 kg/(m)2. Le seuil inférieur de la normale d’IMC est de 18,5 kg/(m)2chez la femme et de 19 kg/(m)2 chez l’homme entre 18 et 35 ans.

Il s’agit d’une définition de santé tenant compte du surcroît de risque de santé à peser moins. Il a été apprécié auprès de dizaines de milliers de personnes. Ce seuil augmente ensuite tout doucement de 0,5 tous les dix ans, pour atteindre 21 kg/(m)2 à 65 ans environ. Par ailleurs, plus on souhaite de masse musculaire et plus on doit être au dessus de ce seuil minimal !

La valeur normale basse (minimale normale) de l’IMC augmente progressivement et tout doucement avec l’âge de 6 ans à 66 ans ! En d’autres termes, un IMC de 17 kg/(m)2 est normal (mais bas) pour une fille de 14-15 ans, alors qu’il s’agit d’un IMC de dénutrition si cette femme a 35 ans.